Expériences et inspiration
Nombre de seniors appréhendent de prendre les transports publics, mais ces quatre entretiens montrent qu’il peut en être autrement. Ces bons conseils contribuent à faciliter le passage de la voiture au train, au bus et au tram pour les trajets de tous les jours.
Annemarie Nübel, aimiez-vous conduire?
Oui, mais pas passionnément.
Vous ne conduisez plus?
J’ai eu 80 ans l’an dernier et j’ai décidé de rendre mon permis. C’était le bon moment pour moi. Cinq ans plus tôt, j’avais pris une leçon de conduite, qui s’est très bien passée. La jeune prof, qui ne m’a jamais critiquée ni fait la leçon, a confirmé que je pouvais encore conduire. J’ai donc pu choisir moi-même le moment de ma transition vers les transports publics (TP).
Comment vous organisez-vous au quotidien?
J’ai un chariot à commissions, indispensable. Nous avons (encore) un magasin, au village, et j’y fais mes courses en vélo. Comme j’ai le temps de m’y rendre régulièrement, je n’ai pas besoin de remplir un coffre! Et si nécessaire, je fais appel aux services de livraison de la Croix-Rouge, par exemple.
De nombreuses personnes redoutent de ne pas maîtriser la technologie des TP. Avez-vous des conseils à leur donner pour les encourager au changement?
Pour s’habituer aux TP, il faut faire preuve d’attention et de concentration. Par exemple, lorsque l’on doit prendre une correspondance à Zurich et passer en huit minutes du quai 5 au quai 32… La première fois, ça m’a stressée, mais j’ai réussi.
Moi-même, je ne me repère pas tout à fait dans cette gare…
Vraiment? Elle est géniale. Impossible de trouver des informations plus claires et plus lisibles. Les ascenseurs, les escaliers roulants? Super! Et il y a tant à observer dans une gare... Quand je dois attendre, je m’installe et prend le temps d’observer les allées et venues. Souvent, de petites conversations naissent, avec des personnes de passage. C’est si enrichissant!
Il semble que vous ne regrettiez pas la conduite!
Je suis contente de ne plus devoir me préoccuper de certaines choses: trouver une place de stationnement, respecter l’horaire du parking ou chercher la monnaie. Ces libertés comptent. En train, on découvre et on apprécie autrement le paysage. C’est souvent plus riche qu’en voiture.
Horst Pitzl, vous m’avez dit que sans voiture, vous vous sentez comme «un ange sans ailes». Pourquoi avez-vous rendu votre permis?
Je vais avoir 87 ans. À mon âge, il est raisonnable de ne plus conduire. Les années ont un impact sur le rythme, sur les réactions. La rapidité ne va plus de soi, aujourd’hui.
Quelles expériences avez-vous fait avec les transports publics?
À Berne, la voiture est inutile et j’ai un abonnement général (AG). Je peux me le permettre, mais ce n’est pas le cas de tout le monde, et je trouve que c’est un problème. Berne est exemplaire: j’ai une correspondance pour n’importe où toutes les cinq à dix minutes, il n’y a vraiment rien à redire.
Quels conseils donneriez-vous à ceux et celles qui veulent arrêter de conduire?
Difficile à dire, c’est très personnel. Je pense que l’un des défis est l’aspect numérique des TP. Mon fils est informaticien et il me dit: «Papa, bien sûr, tu n’as pas grandi avec...»
C’est plus facile pour les jeunes générations...
C’est comme apprendre une nouvelle langue. Nous, nous savons comment gérer le monde réel: quand nous prenons en main un objet, nous comprenons comment il fonctionne. C’est différent pour les plus jeunes, c’est un autre monde. Mais on se débrouille (rires).
C’est aussi un art!
Tant que la tête suit, oui. C’est comme avec le langage: quand un terme fait défaut, on peut toujours utiliser des périphrases.
Si nous changeons, les voitures aussi...
Tout à fait, mais il y a toujours 1,3 milliard de voitures à travers le monde. Quand on réfléchit à l’avenir la question est incontournable: aurons-nous toujours les moyens de maintenir la route et le rail?
Monika Barben, depuis combien de temps avez-vous votre AG?
J’en ai reçu un d’une amie lorsque j’ai eu 70 ans. Je pensais alors que cela n’en valait pas la peine. Mais quand je l’ai eu, il m’est venu une idée: «Maintenant, tu vas aller visiter chaque chef-lieu de Suisse».
Pour beaucoup, prendre le train est un défi…
Enfant, sur un quai de gare, j’ai soudain réalisé une chose: si j’étais née garçon, j’aurais voulu conduire des locomotives. Mais à cette époque, ce n’était pas possible. Maintenant, j’ai un AG. J’aime passer du temps dans les trains et dans les gares. Je me souviens d’un jour où une amie a voulu m’apporter du fromage du Valais. J’ai pris le train pour Berne, où nous nous sommes retrouvées, puis je suis retournée à la maison avec le fromage.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui redoute de prendre les TP?
Quand j’ai des questions, je vais au guichet à Spiez. On me répond parfaitement! J’ai eu longtemps une amie qui possédait elle aussi un AG, et nous avons fait beaucoup de voyages ensemble. Elle m’a dit un jour qu’elle m’était très reconnaissante de lui avoir montré le Valais, qu’elle ne connaissait pas.
Il faut donc simplement oser et essayer?
Je n’ai jamais eu de problèmes. Le train m’a toujours procuré beaucoup de joies, c’était tout pour moi. Et quand parfois on en manque un, peu importe, on prend le suivant.
Y a-t-il des situations où vous éprouvez de l’insécurité et où vous souhaiteriez des améliorations dans l’espace public et dans les transports?
Non, j’étudie toujours l’itinéraire en amont. Je n’aime juste pas traverser les tunnels. Je n’ai jamais vraiment eu de problèmes. Un jour, j’ai accompagné une femme quasi aveugle chez l’oculiste. À Berne, nous sommes montées dans le train pour Fribourg, alors que nous voulions aller à Spiez (rires). Mais cela ne nous a rien fait, ni à elle, ni à moi!
Catherine Genoud, pourquoi avez-vous renoncé à la voiture?
D’abord pour des raisons écologiques, mais j’aime aussi beaucoup circuler en train! Je n’ai pas à me préoccuper de la conduite. Une voiture, c’est pratique quand on a des choses à transporter. Sans, il faut s’organiser, ou recourir à un service de livraison.
Comment faites-vous quand vous avez tout de même besoin d’une voiture?
Nous nous débrouillons très bien, nous empruntons la voiture de proches ou recourons à Mobility.
Avez-vous un AG?
Non, financièrement, cela ne vaut pas la peine pour nous. J’ai un abonnement demi-tarif, et quand on s’organise à temps, on trouve des billets dégriffés. À condition de réserver six semaines à l’avance, la carte journalière est à 29 francs seulement.
Y a-t-il des choses que vous ne pouvez plus faire, sans voiture individuelle?
Il faut simplement s’organiser. Je découvre beaucoup de lieux, à Lausanne même ou dans les environs, que je ne connaissais pas du tout. En voiture, on ne se posait pas trop de questions
Avez-vous un conseil à donner aux personnes qui songent à se passer de voiture?
Il est important de commencer à utiliser les autres moyens de transport avant d’être trop âgé·e pour modifier ses habitudes. La voiture, c’est facile, mais on passe à côté de quelque chose, quand on ne se déplace qu’ainsi.
Par exemple?
Des choses simples, comme saluer les gens dans le bus. C’est un lien social! Ce n’est pas la réponse à tout (rires), mais c’est beau. En voiture, on entre, on sort, sans voir personne.
Vous conseillez d’utiliser les transports publics avant d’abandonner la voiture?
Oui, de tester le bus, le train. Ce qui est inconnu peut faire peur. Se déplacer à pied est aussi une occasion de faire de l’exercice, de se maintenir en forme. C’est quand même plus beau de se promener dans un parc que d’aller en voiture au fitness.